Demande de devis pour un site ecommerce : on récolte ce que l’on sème (16 septembre 2010)

Image 1.pngDans le monde de la création de site e-commerce, il y a un sujet qui nous fait tous bien rire : les prospects à coté de leurs pompes.

Quelle agence web n’a pas eu son lot de demandes de devis farfelues ? Le fameux « J’ai 500 euros, est-ce que vous pouvez me refaire un Amazon en mieux ».

Au bout de quelques années d'activité, nous avons tous un bêtisier interne, certains le partagent sur leur blog comme ici (allez voir, il est très comique). Je vois aussi passer de plus en plus de tweets moqueurs (et un peu aigris en fait) suite aux emails de pauvres prospects qui débarquent la fleur au fusil croyant qu’il peuvent avoir un bijou de technologie e-commerce qui va les rendre riche en quelques années... pour le prix d’une télévision.

Nous autres du web, agences, éditeurs de solution e-commerce, consultants indépendants (moi compris) nous offusquons que notre travail est dévalorisé, que notre métier est incompris, que les entreprises sont à la rue, etc.

OK… mais comment en est-on arrivé là ?

Nous sommes responsables de cette situation

Comment des chefs d’entreprises souvent émérites, des entrepreneurs parfois brillants, peuvent croire qu’un site e-commerce est un jeu d’enfant à réaliser et ne coûte que quelques centaines d’euros ?

La vérité, c’est que nous sommes probablement les principaux responsables de cette situation. Nous avons volontairement fait passer les mauvais messages depuis une décennie.

Tout a commencé avec l’avènement des CMS e-commerce. Toutes (oui, j’ai bien écrit toutes) les agences web commercialisant leur propre solution e-commerce et les éditeurs de solution ASP / SaaS n’ont eu qu’un slogan à la bouche pendant des années pour vanter leur solution révolutionnaire :

" Créez votre boutique en 1 clic "

et toutes ses déclinaisons souvent racoleuses :

Quelques années plus tard, l’explosion du SaaS est venue en rajouter une couche, sur la dimension prix cette fois. Les licences qui coûtaient plusieurs milliers d’euros, se sont transformées en abonnement mensuel à partir de quelques dizaines d’euros/mois.

"Votre site e-commerce pour seulement 19 euros/mois"

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Publicité trouvée sur un site d'agence web.
Rien que le design de la pub me laisse pantois...

 

Là, on a touché le fond… Pas en terme d’offre, mais en terme de communication.


Rendez-vous compte du message complètement erroné qu’on matraque aux entreprises et au grand public depuis des années :
non seulement créer un site e-commerce est à la portée d’un gosse de 8 ans qui sait cliquer sur le mulot, mais en plus, il peut se le payer avec son argent de poche, au lieu de s’acheter des bombecs tous les mois…

A partir de là, comment expliquer à un prospect, qui au passage s’est pris en pleine figure les dizaines d’annonces Adwords racoleuses sur la requête « solution e-commerce » et consorts, que chez vous, un site coûte le centuple de ce qu’il a pu voir par ailleurs ?

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Comment lui faire comprendre que vous allez passer des dizaines d’heures à travailler sur la conception, le design et le développement de sa boutique sans prétention, alors que d’autres le font en 5 minutes ?

Comment lui expliquer qu’il va aussi falloir investir quelques milliers d’euros en référencement, en e-mailing, et je ne sais quoi d’autre, pour espérer dépasser 3 commandes /jour ?

Effectivement, dans ces conditions, c’est mission impossible.

 

Ca ne pourra pas durer

Heureusement, ce positionnement marketing dévalorisant pour la profession et les bijoux de technologie qui ont vu le jour tend à disparaitre depuis quelques années. Il me semble même que nous commençons à être nombreux à suivre le chemin inverse.

D’une part, parce qu’il est désormais quasiment impossible de réussir dans le e-commerce sans un investissement conséquent (lire mon article à ce sujet Pourquoi un site e-commerce coûte forcément cher ?). Ca commence à se savoir, et un expert e-commerce ne serait pas crédible en affirmant le contraire. Il faut investir, sans cesse, ou mourir.
Personnellement, je suis incapable de mentir à des personnes qui engagent toutes leurs économies et leur avenir professionnel dans un projet e-commerce foireux, ou pour lequel ils n'ont pas les moyens de leurs ambitions. Alors je leur dis, quite à me tirer une balle dans le pied car le prospect va voir ailleurs, mais au moins, j'ai ma bonne conscience avec moi.

Ensuite, il ne faut pas se mentir, créer des boutiques à moins de 1000 euros quand on est une agence web, un consultant indépendant (c’est mon cas), ou un éditeur, ça n’enrichit personne. Ni le prestataire qui va devoir trouver un paquet de pigeons clients pour gagner sa vie, ni le client qui ne vendra pas grand chose avec sa boutique.

Enfin, il me semble (mais ce n'est que mon avis) que les éditeurs de solutions e-commerce ASP et SaaS n’ont plus trop le choix que de changer leur fusil d’épaule dans les années à venir. L’écosystème e-commerce se développe très vite, et devient tellement complexe que les investissements en R&D pour maintenir un produit en phase avec les attentes du marché sont énormes.
Pour eux aussi, il faudra beaucoup investir, ou mourir. Ou augmenter les tarifs.
Dans ces conditions, seuls les plus gros, les plus solides, pourront maintenir une offre commerciale au ras des pâquerettes.

 

Conclusion ?

1. On râle contre les prospects, mais on l’a bien cherché non ? ;-)

2. Compte tenu des enjeux économiques grandissants sur ce secteur d’activité (c’est quand même l’un des rares qui a passé la crise sans sourciller et qui connait une croissance à 2 chiffres depuis des années), il serait peut-être temps de faire quelque chose à grande échelle pour accompagner les entreprises porteuses de beaux projets e-commerce et les entrepreneurs volontaires afin de leur donner les bonnes cartes.

Comme l’a fait remarquer très justement Hervé Bourdon, VP Marketing d'Oxatis dans la conclusion de son article en réponse à celui que j'ai écrit avant celui là, il y a des programmes de soutien pour la Santé Publique, d'autres pour la Prévention Routière, alors pourquoi pas un programme national d’accompagnement aux futurs e-commerçants ? Un programme de formation pour casser les clichés tenaces, pour leur montrer où sont les obstacles, pour les mettre face à la réalité du terrain, leur permettre de réussir et créer de la valeur, des emplois.

Et tant qu’on y est, un label "Expert e-commerce compétent", avec des vrais morceaux d’expérience dedans (là, je sais, je rêve…) pour permettre aux entreprises de se repérer dans la jungle des prestataires.

Ca aiderait tout le monde : les entreprises d’abord, les agences sérieuses, les éditeurs, l'économie française, et moi aussi.

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