Rentabilité dans l'e-commerce : combien je peux gagner avec ma boutique en ligne ? ? (16 décembre 2010)

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J’entends parfois des choses surréalistes avec des prospects qui ont des projets de boutique en ligne. Il y a quelques semaines, l’un d’eux m’expliquait au téléphone qu’il espérait faire 5 000 euros de CA mensuel après 6 mois d’activité, et pouvoir se dégager un salaire honnète au bout d’1 an. Tout cela en vendant des produits cosmétiques pour afros (le secteur pas concurrentiel en plus…) et en payant un webmaster qui ferai partie de l’entreprise.

- Mmmm… bien sûr…. (à ce moment, je sais déjà qu’on ne va pas travailler ensemble). Et vous souhaitez investir combien dans votre projet la 1ère année ?

- Pas plus de 10 000 euros, création du site incluse.

- OK… je vois… (Je vois que vous allez vous vite revenir à la réalité…)

J’en ai eu quelques uns comme ça cette année.

Ma réaction peut paraître étonnante pour les néophytes, 10 000 euros, c'est pas rien, et pourtant, il suffit de réfléchir un peu pour comprendre que vivre de son e-commerce est un long parcours semé d’embûches, et que l’objectif d’un salaire la première année est une douce utopie pour la majorité des e-commerçants qui se lancent.

Gautier Girard a fait une excellente démonstration dans son article Comment calculer le seuil de rentabilité de son site e-commerce, que je vais me permettre de reprendre sur quelques points, et la mettre en perspective avec d’autres chiffres, et ma propre réflexion. L’objectif est de d’apporter une réponse simple, compréhensible par tous, aux questions suivantes :

  • Comment estimer les futurs revenus de mon site e-commerce ?
  • Quels sont les (nombreuses) charges à prendre en compte ?
  • Combien me restera t-il à la fin du mois ?

1. Estimer les revenus de son site e-commerce

Grâce à quelques indicateurs clés, il est possible de faire une estimation à la louche de son futur chiffre d’affaires et d’en déduire des revenus potentiels.

 

Le nombre de visiteurs

Plus vous en aurez, et plus vous aurez de clients potentiels, c’est mathématique. Mais le jour de l’ouverture du site, et les jours suivants, le compteur des visites sera probablement proche de 0 car votre site est encore invisible dans les moteurs de recherche, inconnu du public, et le restera probablement longtemps si vous ne lancez pas des actions de marketing et de communication (nous reviendrons sur ce point plus tard). Ces actions vont conditionner fortement la rapidité à laquelle votre trafic va croitre. Sachez que pour atteindre 300 visites/jour de manière regulière, cela peut prendre plus d’1 an ! Les nombreux e-commerçants que je rencontre régulièrement atteignent difficilement ce chiffre au bout d’un an d’existence, malgré quelques milliers d’euros dépensés en référencement, emailing, communiqués de presse, etc…

Vous pouvez retrouvez des témoignages et des chiffres en lisant les interviews de e-commerçants sur ce blog. Donc pour notre future simulation, nous conserverons le chiffre de 300 visiteurs/jour, car c'est un minimum pour obtenir quelques commandes quotidiennes.

 

Le taux de conversion = % de visiteurs qui passent une commande.

Le taux de conversion donné par la FEVAD en 2010 est de quasiment 2%. Autrement dit, il faut 100 visiteurs sur votre site pour générer 2 commandes. En réalité, il est plus faible chez les petits e-commerçants qui sont souvent des néophytes, et ne savent pas optimiser cet indicateur.

Je vous donne aussi un chiffre très important publié par la FEVAD, qui, de mon point de vue, reflète un peu plus la réalité des boutiques en ligne qui démarrent : quasiment 30% des sites d’e-commerce font moins de 10 transactions par mois en 2009. Oui, vous avez bien lu : moins de 10 commandes par mois !

Dans la tranche supérieure, de 100 à 1 000 transaction/mois, nous atteignons 21% des sites d’e-commerce, soit 3 à 30 commandes par jour. C’est mieux, mais à moins de 10 commandes/jour, il n’y a vraiment pas de quoi être serein.

Pour la démonstration, nous prendrons un taux de conversion à 1,3% qui permet de pondérer les 2 statistiques énoncées ci-dessus.

 

Le Panier moyen = CA moyen généré pour chaque commande.

En e-commerce, le panier moyen début 2010 est de 93 euros, toujours d’après les chiffres publiés par la FEVAD. Mais il faut relativiser ce chiffre qui prend en compte de très gros acteurs du e-commerce qui pèsent lourds dans les statistiques. Pour la démonstration suivante, je prendrai plutôt un panier moyen de 50 euros qui me semble plus proche de la réalité pour les petits e-commerçants (là encore, c’est mon expérience qui parle). 

 

Calcul du Chiffre d'affaires estimatif

Pour estimer le chiffre d’affaires généré sur 1 mois sur un site d’e-commerce, il faut donc multiplier tous ces indicateurs.

Ce qui donne :
300 visiteurs/jour au bout d’1 an
X  taux de conversion de 1,5%
X panier moyen de 50 euros

=  225 euros de CA/jour,

soit 6 750 euros de chiffre d’affaires mensuel.

Pas mal se diront certain… Attendez la suite…

Un chiffre d’affaires ne veut rien dire. Il faut regarder ce qu’il reste une fois que toutes les dépenses et les charges ont été payées. Et il y en a beaucoup !

 

2. Estimer les dépenses de son site e-commerce

Les charges qui pèsent sur l’activité d’un site e-commerce sont nombreuses. Et pour cause, faire de la vente en ligne ne se résume pas à la simple création d'une site pour y exposer ses produits et attendre que les ventes tombent. C'est une véritable création d'entreprise avec tout ce que cela comporte de tracasseries administratives, clients, logistiques, techniques, marketing, etc...
Lire à ce sujet Pourquoi un site e-commerce coute forcément cher? (pour réussir).

 

La marge sur les produits = Prix de vente HT - prix d’achat HT

Un panier moyen à 50 euros HT ne veut pas dire que vous mettez 50 euros dans votre poche. Si vous avez acheté votre produit 30 euros HT à votre fournisseur, ou si son coût de revient en fabrication est de 30 euros, vous ne gagnez réellement que 20 euros sur son prix de vente.

Pour compliquer les choses, un panier peut comprendre plusieurs produits avec des marges différentes.

Pour rester simple, je prendrai un taux de marge moyen de 50%. Autrement dit, j’achète 2 fois moins cher mes produits que je ne les vends.

En soustrayant, mon coût d’achat mensuel à mon CA mensuel, j’obtiens 6 750 – 3375 = 3 375 euros/mois. Le chiffre fait tout de suite moins rêver.

 

Les frais généraux du e-commerçant

Dans le e-commerce, les frais annexes sont très nombreux :

Si on additionne tout cela, nous pouvons compter 15% de charges (là, je suis très gentil) qui viennent réduire le chiffre précédent.

Soit 3 375 euros -15% (506 euros) = 2 869 euros.

 

Les frais de marketing et de communication

Les frais marketing peuvent grimper très vite, selon que vous êtes pressé d'avoir des clients, ou pas. Et pour cause, sans marketing, sans communication, vous n'aurez pas de visiteurs sur votre site = pas de clients.
Le premier poste de coût est l’optimisation de votre visibilité dans les moteurs de recherche (le référencement). Si vous n’êtes pas un pro du référencement, il va falloir faire appel à un prestataire spécialisé qui peut facilement coûter 4 800 euros à l’année (400 euros/mois) pour un travail standard. On peut aussi rajouter :

Bref, si vous voulez avoir une chance d’atteindre rapidement 300 visiteurs par jour, compter 1 000 euros /mois de frais marketing et communication n’est pas un luxe.

Cela nous donne 2 869 euros – 1 000 euros  = 1 869 euros.
Il commence à ne plus rester grand chose là…

 

Les charges et taxes de l’entreprise : 30%

Enfin, une fois tous ces frais déduits, il faut répondre à ses obligations de chef d’entreprise en payant ses cotisations et taxes en tout genre à l’Etat. Pour une SARL, l'impôt sur le bénéfice représente 15% du bénéfice en dessous de 38 120 euros. Il faut aussi déduire les charges diverses (URSAFF, ...), qui font monter l'addition à 30% en moyenne.

Attention pour ceux qui fondent leurs espoirs sur le statut auto-entrepreneur. Certes, les taxes globales ne sont que de 12%, mais c'est sur le CA, pas sur le bénéfice, donc ca revient quasiment au même par rapport à une EURL ou SARL imposée sur le bénéfice. Vous ne récupérez pas la TVA, pas de défraiement possible, et le plafond de CA annuel n'est que de 83 300 euros, donc vous n'irez pas loin.

Pour gérer tout ça, il va vous falloir probablement un comptable, qui va vous alléger de quelques centaines d'euros par an.

 

3. Combien vous reste-il pour vivre à la fin du mois ?

On récapitule. Je prend le chiffre d’affaires déjà estimé, et je lui soustrais toutes les charges énumérées. Ce qui donne :

Chiffre d’affaire mensuel > 6 675 euros
- Coût d’achat des marchandises : 50% de marge brute > 3 375 euros/mois
- Frais de fonctionnement d'un e-commerce + frais généraux : 15% > 506 euros/mois
- Frais marketing > 1 000 euros/mois
- Charges de l’entreprise : 30% du bénéfice net > 713 euros/mois

= 1 308 euros/mois à partir du 12ème mois d’exploitation de votre site e-commerce. 

En effet, le 3ème ou le 6ème mois, le site n’a pas encore atteint les 300 visiteurs/jour. Donc ce chiffre est bien moindre.

Ca calme… 1 308 euros de salaire mensuel au bout d’un an de travail acharné :

Bref, que des choses qui n’existent pas dans la vraie vie d’une entreprise.

A ce tarif là, vous comprenez qu’il ne faut rien laisser au hasard pour maximiser ses chances de réussites, et qu’il faut avoir une réserve d’argent conséquente, ou une source de revenu alternative pour subvenir à ses besoins le temps que l’activité du site décolle et qu’une base financière solide se créé.

Vous comprenez aussi qu’un projet ecommerce se prépare un minimum, et qu'il faut bien s'entourer, pour ne pas perdre un temps précieux en faisant des erreurs de débutant.

Surtout, vous venez de comprendre que l'argent ne va pas couler à flot du jour au landemain si vous n’y mettez pas les moyens. Avant de beaucoup vendre, il faut beaucoup dépenser, tant en argent qu’en énergie.

Désolé d’avoir ruiner vos espoirs de richesse facile… mais c’est pour la bonne cause ;-)

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