Quelle stratégie pour Magento ? (10 mars 2011)

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Le lancement de Magento Go, en complément des offres Community et Entreprises, marque l’arrivée de Magento dans le milieu très concurrentiel des plateformes e-commerce en SaaS, ciblant désormais les petites entreprises et créateurs d’entreprises. Chose impensable il y avait quelques mois, quand on connaît la complexité technique de la bête, et sa gourmandise en ressources et infrastuctures.

Nous voilà donc face à une startup qui se positionne désormais sur 3 segments de marché ayant des problématiques très différentes :

  • les nouveaux venus dans l’e-commerce, ayant des besoins souvent basiques, et peu de moyens pour commencer,
  • les entreprises ayant acquisent une certaine maturité, avec des besoins de plus en plus spécifiques en front office et en back-office,
  • les « grosses machines » ayant besoin d’un véritable CRM e-commerce complètement personnalisé, capables de mobiliser des moyens financiers et humains importants.

La stratégie de Magento laisse perplexe certains obserservateurs professionnels qui se demandent comment l’éditeur va pouvoir s’adapter à l’écosystème e-commerce de chaque marché national, et gérer de front 3 lignes de produits très différentes. Autant l’offre actuelle Magento Go semble taillée sur-mesure pour le marché américain, autant il reste du travail pour convaincre la France.

L’entreprise a t-elle la bonne vision et les moyens de s’imposer sur le marché Français des solutions e-commerce en SaaS ?

Personnellement je pense que oui, leur stratégie est la bonne. A condition de …

1. La stratégie Magento : être présent sur tout le cycle de vie d’un e-commerce pour le fidéliser

Avec le lancement de Magento Go, Magento devient un acteur singulier sur le marché mondial : le seul à pouvoir proposer une plateforme de sites e-commerce qui permet d’accompagner une entreprise à tous les stades de son développement, avec la même technologie.

Cliquez sur le tableau pour l'agrandirMarche-ecommerce.jpgAvant, Magento occupait 2 segments du marché, mais il lui manquait la base, le segment qui aujourd’hui connait le plus gros développement, celui des petites boutiques en ligne qui se lancent.

En effet, la principale faiblesse de Magento était sa complexité technique, et donc de mise en œuvre pour les petits e-commerçants qui n’ont pas les ressources techniques au démarrage. Ils n’ont pas non plus les ressources financière pour engager une agence web qui ferai ce travail, ni ne veulent avoir à traiter des problématiques d’infrastructure technique. Autrement dit, exit Magento pour démarrer.

Désormais avec Magento Go, l'éditeur occupe le terrain sur tout le cycle de développement d’un e-commerce.

La stratégie de Magento est limpide : aller chercher les e-commerçants au berceau, en leur permettant de se familiariser avec l’une des meilleure technologie du marché, à moindre coût. Puis les amener vers les gammes supérieures de l’offre, toutes compatibles de manière ascendante (c’est ce que dit Magento), au fur et à mesure que l’activité et les besoins de l’entreprise se développent.

En effet, le changement de technologie est toujours une étape délicate dans la vie d’un site. Et nous l’avons vu dans le tableau précédent, jusqu’à maintenant, aucune solution du marché ne permet de couvrir tout ses stades d’évolution. Elles n’ont donc pas le choix que faire cette migration à un moment ou un autre.

Mais beaucoup d’entreprises ayant besoin d’évoluer hésitent très longuement, ou ne changent jamais de plateforme devant le coût financier de la migration, par peur de perdre tout leur investissement en référencement naturel, par peur de devoir tout recommencer à zéro.

Proposer une solution globale garantissant une évolution permanente, en minimisant tous ces risques ne peut être que digne d’intérêt pour tout e-commerçant qui se lance et qui nourrit quelques ambitions.

 

2. L’intégration d’un nouveau modèle économique

Magento Community qui a fait connaitre Magento dans le monde entier est une solution open source, qui ne gènère donc aucun revenu direct pour l’éditeur.

Et pour survivre dans un secteur concurrentiel, il faut du cash pour couvrir les frais de R&D, financer le développement commercial, les frais de marketing, etc…

Avec le modèle économique du SaaS, Magento Go permet d’aller chercher de l’argent sur un segment de marché en pleine explosion. En plus des abonnements à 780 USD/ an, ses propres clients deviennent un formidable vivier de prospection pour les autres produits de sa gamme.

 

3. Magento Go Plateform , l’arme de Magento pour s’adapter à tous les marchés nationaux

Magento a bien compris qu’une solution de boutique en ligne  « clé en main » ne serait pas suffisante pour répondre aux besoins des e-commerçants débutants de la planète entière.

Les entreprises française évoluent dans un écosysteme e-commerce différent de nos voisins allemands, espagnols ou anglais. Les acteurs (les banques, les solutions de logistique, les logiciels de comptabilité, les outils marketing externes) sont spécifiques à chaque marché national. Il faut donc offrir une plateforme qui permet de créer cette compatibilité avec les acteurs spécifiques de chaque pays, et accessoirement de personnaliser son Magento Go avec des modules.

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C’est exactement le rôle de Magento Go Platform, une plateforme qui permet aux développeur de proposer des modules additionnels pour enrichir la version Magento Go de base, comme cela existe déjà pour la version open source de Magento. L’e-commerçant achète les extensions qui l’intéressent, et améliore sa solution au fur et à mesure de ses besoins.

Cerise sur le gateau, les modules proposées sur Magento Go Platform seront compatibles avec toutes les autres versions de Magento. Autrement dit, si vous démarree une boutique sur Magento Go, le jour où vous passez sur Magento Community, le module fonctionnera toujours.

 

4. Le défi à relever

Sur le papier, le plan est superbe. Mais dans la réalité, que vaut-il ?

François Ziserman le souligne dans son article, et ce n’est pas Marc Schillaci d’Oxatis avec ses 6500 boutiques en ligne qui me contredira non plus : gérer un « parc » de plusieurs milliers de sites, ce n’est pas le même métier que de développer un logiciel open source.

Je dirai même que ce sont 2 cultures d’entreprise et 2 modes d’organisation assez opposés, qui vont devoir co-exister au sein d’une même entreprise. Un grand écart périlleux de l’avis de certains. Magento pourra t-il relever ce challenge ?

Même si l’on parle d’une solution de boutique « clé en main », les e-commerçant n’en ont pas moins des demandes, des questions, veulent de la proximité relationnelle. Il faudra une équipe Support conséquente pour répondre par email et au téléphone à plusieurs centaines de demandes par jours en vitesse de croisière dans plusieurs langues. Comment va s’organiser Magento dans les prochains mois pour gérer cela ?

Il va aussi falloir metre en place un monitoring de l’infrastucture technique (les ressources en hébergement) sans faille pour assurer un service irréprochable, en continue, à des milliers de clients en même temps.
Ce travail était jusque là assuré par ses partenaires hébergeurs, qui, au passage ne vont peut-être pas voir d’un bon œil le fait que Magento viennent grignoter sur leurs terres. Quelle va être le discours de Magento sur ce point ?

Une partie de la réponse se trouve peut-être chez ses récents investisseurs. Chez Paypal/Ebay, nouvel actionnaire de Magento, les problématiques des « petits » e-commerçants et d’infrastrutures mutualisés n’ont aucun secret. Nous pouvons imaginer que Magento ne va pas se gêner pour mettre à profit leur expérience, et trouver des synergies.

 

5. Conclusion 

N'importe quel éditeur de logiciel, tout domaine confondu, vous le dira : ignorer le SaaS aujourd'hui, c'est tourner le dos à l'avenir, faire une croix sur son plus gros potentiel de développement. Magento n'a pas vraiment le choix s'il veut consolider ses bases, et augmenter ses revenus.

Les exemples sont légions : Wordpress et Prestashop sont passés avec succès au SaaS, tous les éditeurs de logiciels de gestion aussi depuis déjà pas mal d'années, toutes les applications autours du e-commerce sont en SaaS (logiciels de gestion de place de marché, livechat, outils de feedback clients). Alors pourquoi Magento ferai exception à la règle ? Moi, je ne vois pas...

Pour les éditeurs français de solution e-commerce, la partie va probablement se corser dans les prochains mois. La réputation de la technologie Magento n’est plus à faire. Couplé à une stratégie marketing bien exécutée, adaptée aux spécificités de chaque pays, Magento Go pourrait faire des gros dégats si la concurrence nationale ne bouge pas.

Aucun éditeur SaaS en France ne propose à l’heure actuelle une alternative sérieuse à Magento Go + Magento Platform. En effet, leurs plateformes sont complètement fermées aux développement externes, et l’éditeur doit supporter seul les coûts importants de R&D, et de mise en place de la moindre évolution fonctionnelle.
Ca ne pèse pas lourd en face d’un Magento et de sa grande communauté de développeurs qui lui adjoignent un potentiel sans limite d’adaptation et d’évolution aux marchés nationaux, à moindre coût.

Magento-Prestashop.pngEnfin, il me semble claire que la stratégie de Magento est aussi de barrer le passage à notre star française du e-commerce : Prestashop et sa place de marché d’applications externes Prestastore, ainsi que sa solution SaaS Prestabox. Prestashop se positionne sur les segments les plus porteurs du marché avec un produit suffisament versatile pour convenir aux e-commercants qui débutent, comme ceux qui ont des besoin très spécifiques.

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